Crise financière, acte deux

Crise financière, acte deux

Le FMI de nouveau en scène

Tandis que la crise financière pourrait déboucher sur une vaste récession dans les pays développés, le trio formé par la Banque Centrale Européenne (BCE), le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale ont proposé une enveloppe de crédit de 25 milliards d'euros à la Hongrie. Elle a pour but d’enrayer la fuite des capitaux étrangers et de maintenir la stabilité du système financier hongrois. En contrepartie, la Hongrie doit continuer à réduire son déficit budgétaire en 2009, et ce malgré la récession.

 

Grâce à cette enveloppe de crédit allouée à la Hongrie, le pays semble avoir échappé aux plus désastreuses conséquences de la crise financière. En exagérant légèrement, l’on pourrait dire que la Hongrie a échappé à la situation que l’Islande a connu début octobre : lorsque son système bancaire s’est effondré, le pays n’avait plus de réserves en devises et son endettement équivalait à huit fois son PIB. Selon le FMI, même l’année prochaine l’Islande devrait connaître une croissance négative de 10%.

Un tel scénario ne devrait finalement pas se produire en Hongrie. Pourtant les spéculateurs étrangers avaient pris pour cible la Hongrie, dont l’endettement relativement élevé avait assujetti le pays aux créanciers étrangers. Le pays présentait en effet deux facteurs susceptibles de les rendre nerveux : d’une part le déficit public et d’autre part l’impossibilité de maintenir à long terme le rythme croissant de l’endettement des ménages. Nous connaissons aujourd’hui un contexte financier global où même les banques des pays développés ont recourt à une injection de capitaux de l’Etat (et certaines se sont tout de même effondrées), où le niveau de liquidité est relativement faible et où la confiance est encore assez relative sur les marchés financiers. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les investisseurs et spéculateurs étrangers, quelque peu stressés, réagissent fébrilement à la communication de certaines données macroéconomiques des pays sensibles. Selon eux, le risque de faillite de l’Etat hongrois a augmenté et, en octobre, le pays a eu du mal à lever des fonds sur le marché des titres publics. Ils cherchaient simplement à tirer profit de leurs spéculations.

La vague des spéculations a été freinée par l’allocation de cette enveloppe de crédit et le cours du forint face à l’euro semble désormais se stabiliser. Avant même sa signature, l’effet d’annonce a suffit à rassurer. Le fait que la Banque Nationale de Hongrie a augmenté de 3 points ses taux de base a également été considéré comme un signe positif. Ceci a protégé le cours du forint, dont la chute dramatique avait été provoquée par des spéculations de plusieurs milliards d’euros, et a également protégé la population d’une hausse considérable des intérêts des crédits contractés en devises étrangères.

Par contre, le FMI, le principal fournisseur de cette enveloppe de crédit, exige de la Hongrie qu’elle remplisse des critères très sévères. Il prévoit une année 2009 très difficile: selon lui, le PIB du pays va diminuer de 1%. C’est en effet ce qui figure dans le budget présenté par le gouvernement. Le déficit budgétaire doit baisser de 2.9% à 2.6% par rapport à son seuil actuel. Et d’une manière générale, le FMI exige un suivi budgétaire très serré, y compris en 2010.

La question qui se pose est de savoir comment réduire les dépenses dans ce contexte de récession économique où, normalement, l’Etat tente d’augmenter ses ressources. En effet, en cas de récession, les rentrées au titre de l’impôt et des cotisations baissent significativement. Ainsi, si la priorité absolue reste la réduction du déficit budgétaire, les dispositions prévues par l’Etat sont les suivantes : les salaires nominaux des services publics sont gelés pour toute l’année 2009 et il n’y aura pas de 13ème mois de salaire ; les retraites seront plafonnées légèrement au-dessus du niveau moyen et seront supprimées dans le cas des retraites anticipées; l’augmentation de certaines allocations sera repoussée suite à l’inflation et tous les postes de dépenses des ministères seront en outre diminués proportionnellement.

Il est peu probable que de telles mesures puissent être envisagées en Europe de l'Ouest, où les intérêts salariaux sont forts. Et aucun gouvernement n’oserait présenter un tel package sans craindre d'être confronté à une grève nationale. Les socialistes hongrois doivent aujourd’hui toucher aux retraites, ce qui était inimaginable jusqu’à présent car les retraités constituent la base de leur électorat. Des voix s'élèvent déjà pour souligner que le pays est puni pour les «mauvaises» décisions politiques et économiques passées et que les restrictions de 2006 ne servent plus à grand chose car elles sont arrivées trop tard et n’ont pas su rétablir la confiance dans un tel environnement international.

La classe politique hongroise devrait enfin tirer la conclusion selon laquelle le pays doit enfin accepter et respecter les critères des organismes internationaux, y compris ceux de convergences de l’UE. Si les décisions ne sont pas prises par la classe politique, ce sont les marchés financiers qui contraindront le pays à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à stabiliser la situation. Dans ce cas, ce n’est plus le gouvernement qui dictera la marche à suivre (de même que lors des ajustements de 1995 qui étaient déjà supervisés par le FMI). Les mesures ne concernent toujours pas les domaines les plus problématiques (marché du travail, impôts, allocations sociales), or tôt ou tard il faudra bien entamer ces réformes. Il est impossible de vivre via «la théorie de la tondeuse», c’est à dire tailler ici et là dans les dépenses. Le statu quo politico-économique et social est insuffisant au risque de voir de nouveau le FMI ou l'un de ses alter ego s'inviter dans les affaires intérieures de la Hongrie dans les 10 à 15 ans à venir.

Pál Planicka et Ági Ducrot

 

Catégorie