Le tournant: Chronologie de l’année 1989

Le tournant: Chronologie de l’année 1989

Quand a eu lieu le changement de régime? Sans doute cet événement ne peut-il pas être rattaché à une seule date. Il ne peut pas être identifié, par exemple, à la proclamation de la République de Hongrie, le 23 octobre 1989. Il s’agit au contraire d’un processus qui a duré bien plus de 24 heures, bien plus même que les 365 jours de l’année 1989.

 

 

 

L’affaiblissement du régime soviétique et l’ouverture entamée par Mihail Gorbatchev, la période de transition du système kadarien, les mouvements anti-communistes en Hongrie, les premiers partis illégaux formés en 1987-88, la commémoration de la révolution de 56 à Paris, en 1988, ont tous contribué à ce tournant de l’histoire hongroise. Finalement le premier gouvernement représentant une Hongrie démocratique ne s’est formé qu’en 1990. Et, en poussant la réflexion, l’on peut dire que le changement de régime dure encore à l’heure actuelle. Selon le sociologue allemand Ralf Dahrendorf : «il faut six mois pour changer un régime politique, six ans pour établir un nouveau système économique et 60 ans pour créer une société civile.» Cependant, l’année 1989 représente certainement l’un des moments les plus intéressants de l’histoire hongroise et mérite d’être connu.

 

28 janvier

Imre Pozsgay, le dirigeant de l’opposition au sein du parti socialiste des ouvriers, le MSZMP, utilise pour la première fois l’expression «soulèvement populaire» pour évoquer les événements de 1956, au lieu de l’appellation officielle «contre-révolution». Ce geste symbolique signe la fin du régime Kádár et le début de la légitimation et de la clarification du rôle du dirigeant de la révolution, Imre Nagy. Finalement, le 6 juillet, la Cour Suprême décidera de réhabiliter les personnes punies après la révolution de 56.

11 février

La commission centrale du MSZMP approuve le principe d’une transition «graduelle et consciente» vers un système politique multipartite. Huit organisations, parmi lesquelles le SZDSZ et le Fidesz, forment «la table ronde de l’opposition» (Ellenzéki Kerekasztal) qui commence à préparer un changement de régime pacifique lors de négociations avec le MSZMP. Ils créent ensemble les premières lois, par exemple le changement de la constitution et du code pénal, qui – plus tard – rendront possible la transition de la Hongrie vers un pays démocratique. 

22 avril

L’Association des Jeunes Communistes hongrois, la KISZ est dissoute après 32 ans d’existence. C’était le plus grand mouvement politique avec plus de 900 000 membres. La KISZ organisait des activités culturelles, des concerts et gérait des discothèques à travers tout le pays.

2 mai

On commence à lever le rideau de fer à la frontière austro-hongroise. Le processus dure jusqu’au 26 juin, lorsque le ministre des affaires étrangères de l’époque, Gyula Horn, et son homologue autrichien, Alois Mock, coupent la dernière partie des barbelés qui séparaient les deux pays à Sopron. La Hongrie ouvre enfin ses frontières vers l’Ouest le 10 septembre.

Au total le rideau de fer était long de 260 km le long de la Hongrie. Les mines qui l’entouraient avaient déjà été enlevées dans les années 60’ et remplacées par un système de signalisation électronique. Mais dans les années 80’ le système ne fonctionnait plus correctement.

1er juin

 Une banqueroute publique menace la Hongrie. Le Premier Ministre, Miklós Németh, déclare que l'endettement du pays est monté à 14,5 milliards de dollars. Lors du premier semestre de l'année 1989 l'inflation est de 15 % et le nombre de chômeurs s'éleve à 130 000. En novembre le pays reçoit encore 530 millions de dollars de crédit des États Unis, 500 million de Detsch Mark de la RDA et 100 millions de dollars de Taiwan.

 

16 juin

Dans le cimetière budapestois d’Újköztemetô, on enterre de nouveau les victimes de la révolution de 1956 : Imre Nagy, Pál Maléter, Géza Losonczy, József Szilágyi et Miklós Gimes qui avaient alors été enterrés dans la cour de la Prison Nationale. Le jour de ce second enterrement, des acteurs lisent la liste de toutes les victimes de la révolution. Plus de 70 000 personnes mettent des couronnes sur les tombes. A 12h30, les cloches résonnent dans tout le pays pour rendre hommage à Imre Nagy.

 

6 juillet

L’ex-Premier Ministre et, depuis 1985, Secrétaire général du MSZMP, János Kádár, décède. Sa mort est symbolique car elle intervient le jour même où la Cour Suprême déclare la réhabilitation d’Imre Nagy. Pendant que les juges communiquent la décision, une feuille fait le tour de la salle où il est écrit: «János Kádár est mort.»

János Kádár a dirigé le pays entre 1956 et 1988. S’il est resté à la tête du parti MSZMP jusqu’en mai 1989, son état de santé ne lui permettait plus d’exercer le pouvoir depuis 1988.

 

19 août

Un dénommé “Pique-nique paneuropéen” a lieu à Sopron auquel participe 15 à 20 000 manifestants hongrois, autrichiens et allemands contre le rideau de fer. Le pique-nique est organisé par le parti Forum Démocratique Hongrois (MDF- alors mouvement d’opposition semi-clandestin) et l’Union Paneuropéenne. Dans le cadre de cet événement, des centaines de citoyens de la République Démocratique Allemande s’enfuient vers l’Ouest via la frontière ouverte en Hongrie. Des manifestations collectives en RDA et dans d’autres pays d’Europe central s’ensuivent en automne 1989. Le mur de Berlin tombera finalement le 9 novembre. 

Du 5 au 7 octobre

Le MSZMP tient son dernier congrès au cours duquel il proclame sa dissolution. Il était le seul parti légal en Hongrie entre 1956 et 1989. Le parti socialiste hongrois, le MSZP, lui succède et reprend sa fortune. Un petit groupe reste toutefois fidèle à l’idéologie marxiste-léniniste sous le nom de Parti des Ouvriers, le Munkáspárt (qui existe toujours), mais il n’obtiendra jamais suffisamment de voix lors des élections pour entrer au Parlement.

23 octobre

Le président intérimaire de Hongrie, Mátyás Szûrös, proclame la République hongroise et le même jour on enlève l’étoile rouge de la coupole du Parlement.

 

26 novembre

Dans le cadre du «Référendum des quatre Oui», les Hongrois votent pour l’ajournement de l’élection du président, pour que le MSZP gère de façon transparente la fortune du MSZMP, pour la dissolution de l’organisation des «Gardes ouvriers» et pour que le contrôle politique se retire des lieux duetravail. La majorité des Hongrois vont voter oui. Ainsi l’élection présidentielle n’est-elle pas organisée le 7 janvier 1990 comme prévu auparavant. (On décidera, lors d’un autre référendum le 29 juillet 1990, que le président soit élu par le Parlement plutôt qu’au suffrage universel direct).

 

Judit Zeisler

 

Spécial anniversaire

Voilà 20 ans que les pays de l’ancien bloc soviétique se sont affranchis de la tutelle du «grand frère» russe. Voilà 20 ans qu’ils ont adopté et construit un nouveau régime, démocratique et régi par l’économie de marché. 20 ans de cheminements qui ont bouleversé ces sociétés, et la société hongroise en particulier. Numéro après numéro, le JFB se propose de revenir cette année sur cette transition historique.

 

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