Portrait: Gestionnaire d’espace

Portrait: Gestionnaire d’espace

Rencontrer Csongor Csukás relève presque de l’exploit. Dans la même semaine, une présentation en Pologne, des réunions à Paris, les affaires courantes à Budapest : le jeune Directeur Général adjoint de PBW Hongrie SA vole aux quatre vents. Pourtant, une fois le rendez-vous fixé, le poids du temps semble se disperser et c’est dans son bureau élégant de Mom Park que Monsieur Csukás répond à nos questions dans un français parfaitement maîtrisé.

Le parcours de Csongor Csukás est limpide et dans sa vie, tout semble s’enchaîner simplement comme si cela allait de soi. Diplômé en management de la technologie et de la qualité de l’Université des Sciences Techniques et Economiques de Budapest (BME) en 2001, il complète sa formation avec un diplôme en analyse des investissements financiers de la même université l’année suivante. Il poursuit ensuite des études Doctorales en préparant une thèse sur l’évaluation des risques liés au financement des entreprises. Parallèlement, il s’inscrit au prestigieux Master de l’Ecole Supérieure des Arts et Métiers de Cluny (ENSAM), en Bourgogne, où il étudie le management de projets industriels en Europe Centrale. Son stage de fin d’études le fait entrer à BFM Facility Management SRL – succursale d’EUROGEM SA et de PBW Hungary Rt, où il devient directeur financier en 2003 puis Directeur Général en 2004. En 2008, il est transféré à la maison mère PBW Hongrie SA en tant que Directeur Général adjoint et Directeur Financier.

PBW est spécialisé dans le secteur immobilier. L’entreprise s’occupe de la maintenance et la gestion d’une douzaine de bâtiments d’affaires à Budapest. PBW gère également la location de bureaux aux entreprises sur cinq sites. Enfin, la troisième activité concerne la gestion d’actifs et la représentation des propriétaires des trois sites de Mom Park, WestEnd Business Centre et EMKE, ainsi que l’achat de nouveaux sites.

JFB : Comment expliquer une ascension si rapide ?

Csongor Csukás : Premièrement, j’étais au bon endroit au bon moment. Et à ce moment, j’ai été capable de mettre à profit la chance qui m’était donnée pour construire ma carrière. Je suis persuadé qu’il y a beaucoup de personnes comme moi, je ne suis pas si spécial. De plus, mon avantage a été la connaissance des langues, spécialement le français puisque la société où je travaille vient de France. Le travail et les collaborations sont facilités avec la maison mère à Paris par ce fait. J’ajouterais que mon double diplôme de management, à la fois technique et économique, m’a permis d’apporter davantage à l’entreprise. Grâce à cela, j’ai pu très vite prendre plus de responsabilités. Bien sûr, on peut penser que l’évolution s’est fait plus vite que la norme mais je ne considère pas mener une carrière exceptionnelle. J’ai 31 ans et au même âge, certains ont déjà plusieurs entreprises et ne sont pas des salariés comme moi.

JFB : Est-ce facile de diriger une équipe quand on est plus jeune que les membres de son équipe?

C.C : Pas toujours. Heureusement, grâce à ma mentalité et à la gentillesse de mes collègues, cela n’a pas été insurmontable. Je crois qu’il faut être très sensible à la personnalité de ses collègues, les respecter en toutes circonstances. J’essaie toujours de communiquer, de mettre les choses au clair. Il y a une hiérarchie dans l’entreprise, qu’il faut respecter pendant les heures de travail. En dehors, c’est une autre histoire, il n’y a plus de différences. De plus, je prends toujours mes responsabilités. Lorsque je décide quelque chose et que cela s’avère être une erreur, j’assume pleinement et ne cherche pas à faire porter mes erreurs par autrui. Cela crée aussi un climat de confiance qui fait que, pour chaque décision à prendre, je suis consulté. Lorsque je donne mon approbation, ma responsabilité est engagée également et cela soulage mes collègues.

JFB : Comment, au quotidien, percevez-vous la crise financière et économique ?

C.C : Le secteur de l’immobilier, après le secteur de l’automobile, est le plus sensible à la crise. Les investissements de notre secteur sont effectués à partir de crédits, même en possession de fonds propres, les investisseurs utilisent toujours une part de crédits pour la simple raison que cela limite ou partage les risques. De plus, le mélange crédit et fonds propres permet de réaliser plusieurs projets à la fois : si nous avons 100 unités, au lieu de les mettre dans un projet qui coûte autant, nous préférons mettre 50 unités dans un projet et l’autre moitié dans un second projet, les 100 unités manquantes étant couvertes par les crédits. La crise financière, avant de se transformer en crise économique, a bloqué ou rendu plus difficile l’obtention de crédits. Il y a moins de ressources financières donc les investissements ont beaucoup diminué. De plus, dans le secteur de l’immobilier, il y a les entreprises locataires de bureaux. En cas de crise, ces entreprises vont mal. Leur capacité à payer les loyers baisse. Ce qui veut dire que les sources de revenus pour les propriétaires des bâtiments baissent et par conséquent la valeur même du bâtiment baisse également puisque celle-ci est liée à la capacité de génération de profit par les loyers. A la fin de 2008, la valeur des bâtiments avait baissé en général de 20 %. C’est colossal quand on sait que le rendement moyen d’un bâtiment est de 13 ou 14%. Vous pouvez imaginer quelle panique s’est installée sur le marché. J’ajouterai que le marché aujourd’hui est figé, il n’y a ni vente ni opération. Dans notre cas, nous continuons à gérer nos sites sans licenciement. Nous avons même continué à augmenter les salaires, pas énormément certes, mais la confiance s’est accrue entre la direction et les employés. Le vrai problème c’est que nous ne pouvons pas investir dans de nouveaux projets, nous développer et créer des emplois. La situation est paralysée. En même temps, les prix sont tellement bas que c’est le bon moment pour commencer des opérations et j’ai bon espoir que d’ici six à douze mois la situation va changer et le secteur rebondir.

JFB : Comment voyez-vous la situation politique de la Hongrie aujourd’hui ?

C.C : Je trouve cela très triste. Je ne vois pas la collaboration entre les deux ailes politiques, gauche et droite. Je ne dis pas que les hommes politiques doivent tous être des amis, mais quand la situation l’exige, il faut être capable de se mettre à négocier. De faire passer les intérêts du pays avant ses intérêts personnels. C’est très triste pour moi de lire les performances économiques très faibles de la Hongrie, qui sont les pires de la région. Cela n’était pas le cas il y a 5 ans. Avec la mentalité politique actuelle, c’est très peu probable que la Hongrie sorte vite de cette situation. Je ne fais pas de politique, je regarde les choses du point de vue de mes intérêts bien sûr, mais aussi du point du vue de la Hongrie. Je ne suis membre d’aucun parti et cela m’intéresse peu car chacun d’eux est très rigide. Comme toujours en politique, on verra dans le futur ce qui était bon dans le passé.

JFB : De quelle manière êtes-vous concerné par les mesures d’austérités économiques ?

C.C : L’augmentation des impôts va, à mon avis, renforcer le marché noir. Et moi, en tant que responsable d’entreprise, mon intérêt est d’avoir un marché clair, où les gens ne trichent pas. Quand il y a un appel d’offre, je respecte les règles et je souhaite que ce soit la même chose pour chacun. L’augmentation des taux d’imposition n’est pas forcément une bonne idée, car cela incite à une concurrence déloyale. Il faudrait mieux à mon sens pénaliser très sévèrement ceux qui ne respectent pas les règles et trouver ici l’argent pour financer les réformes. De toute façon, ce n’est pas moi qui choisi, ce n’est que mon opinion.

JFB : Avez-vous eu des possibilités de quitter la Hongrie et si oui pourquoi êtes vous resté ?

C.C : Je dois avouer que j’ai eu la possibilité de travailler en France, ce qui ne m’aurait pas déplu mais pour des raisons familiales je suis resté en Hongrie. De toute manière, je vois l’expatriation comme une période courte, de cinq ans maximum. Au delà de cette période, si j’étais parti, je serais revenu en Hongrie. Je ne peux pas imaginer vivre ailleurs qu’ici, bien que je sois né en Roumanie dans une famille hongroise. J’essaie de construire mon pays et pas celui des autres.

David Sauvignon

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