Cinema: Coco

Cinema: Coco

«Ma vie, c’est l’histoire – et souvent le drame – de la femme seule, ses misères, sa grandeur, le combat inégal et passionnant qu’elle doit mener contre elle-même, contre les hommes, contre les séductions, les faiblesses et les dangers qui surgissent de toutes parts.» Coco Chanel

Gabrielle Bonheur Chanel, alias Coco Chanel, semble plus que jamais dans l’air du temps puisque pas moins de deux films sont consacrés à des épisodes de sa vie. Le premier, Coco avant Chanel, est sur les écrans hongrois cet été et le second Coco Chanel & Igor Stravinsky sortira en 2010. Le film d’Anne Fontaine, à qui l’on doit notamment Augustin roi du kung-fu (1999), Nettoyage à sec (1997) ou Comment j'ai tué mon père (2001), est dédié à la première période de sa vie : les années d’apprentissage, ce qui s’est passé avant que Chanel ne comprenne elle-même son fulgurant destin.

Une petite fille du centre de la France, placée dans un orphelinat avec sa soeur, et qui attend en vain tous les dimanches que son père vienne les chercher. Une chanteuse de beuglant à la voix trop faible, qui affronte un public de soldats éméchés.

Une petite couturière destinée à refaire des ourlets dans l'arrière-boutique d'un tailleur de province. Une apprentie-courtisane au corps trop maigre, qui trouve refuge chez son protecteur Etienne Balsan, parmi les cocottes et les fêtards. Une amoureuse qui sait qu'elle ne sera "la femme de personne", pas même celle de Boy Capel, l'homme qui pourtant l'aimait aussi.

Une rebelle que les conventions de l'époque empêchent de respirer, et qui s'habille avec les chemises de ses amants. C'est l'histoire de Coco Chanel, qui incarna la femme moderne avant de l'inventer.

Chanel a été tout cela avant de devenir le symbole de la femme moderne et libérée qu’elle incarnait déjà. «Ce qui nous a précisément intéressé, souligne Anne Fontaine, c’est de voir Coco construire son destin devant nous, en inventant à vue. Rien n’est préprogrammé chez elle, elle ne poursuit pas une carrière pour réussir, elle invente. Elle n’a pas l’ambition, ni les outils pour être conforme au monde de la bourgeoisie qui lui est fermé, alors elle se fait remarquer, elle se fait désirer, pour entrer par la grande porte de la provocation. Elle veut adapter ce monde-là à sa personnalité, et non pas s’y plier». Audrey Tautou incarne avec un grand naturel le caractère tranchant et fier de l’éternelle Mademoiselle et le film lui doit beaucoup, ainsi qu’aux autres acteurs. Benoît Poelvoorde revêt avec un plaisir non feint le costume du protecteur de Coco, un bourgeois à la fois frivole, généreux et finalement amoureux d’elle. Alessandro Nivola incarne avec justesse le charme tout british de l’amant de Coco – pour peu que l’on soit sensible au charme des moustaches. Et la pétillante Emmanuelle Devos est le pendant bien sympathique du vilain petit canard qui donne son nom au film. Bref, une agréable plongée dans l’ambiance suranée du début du XXe siècle, servie par une très belle image, à la fois douce et contrastée, qui s’attache autant au visage des personnages qu’à leurs allure. Et une centaine d’années plus tard, il est étonnant de constater combien ce personnage de Coco nous ressemble décidemment beaucoup.

Frédérique Lemerre

Catégorie