Ils valent leurs pesants d’or

Ils valent leurs pesants d’or

Salaires gargantuesques dans le secteur public

Si la polémique autour des salaires dans la fonction publique ne date pas d'aujourd'hui, c'est en revanche le 15 septembre dernier qu'a été publiée le montant des salaires des cadres et hauts fonctionnaires hongrois. De quoi relancer le scandale autour de certaines entreprises publiques lourdement endettées et dont la gestion laisse à désirer...

 Depuis la fin du mois d’août, il ne se passe pas une journée sans que l’on découvre une nouvelle dépêche dans les actualités concernant les salaires dans la fonction publique. L’apogée de cette série de révélations, le 15 septembre, fut la publication du montant des salaires des cadres et des hauts fonctionnaires, en réponse à la loi signée par le Premier Ministre il y a un mois. Depuis, de nouveaux scandales ne cessent d’éclater autour des entreprises nationales. Tandis que celles-ci se défendent en affirmant que les salaires versés à leurs responsables doivent être compétitifs avec ceux de leurs homologues étrangers pour éviter le drainage des cerveaux, on est en droit de se demander si une telle comparaison ne pourrait pas également être faite au niveau de la qualité des services. La proposition de M. Bajnai pour un système plus transparent des salaires basé sur la compétence nous rappelle le projet de l’ancien secrétaire d'État aux Ressources Humaines, Gábor Szetey, datant de 2006, qui avait été abandonné au bout d’un an. Maintenant qu’un pas a été fait vers un système plus transparent il nous reste à savoir combien de temps il faudra attendre pour un système plus compétent?

La polémique autour des salaires dans la fonction publique remonte à 2008, quand le site d’informations Index avait intenté un procès contre la Société Nationale de Gestion (MNV) qui cachait intentionnellement les données concernant les salaires des cadres dans la fonction publique. Le site a gagné le procès en première et en deuxième instance en avril 2009 forçant ainsi le MNV à publier le montant des salaires d’une centaine de cadres. Cette révélation a démontré que certains cadres dirigeants gagnent plus de 3 millions de HUF par mois en pleine crise économique et malgré les restrictions imposées par le gouvernement. A la suite du scandale des indemnités records au sein de la Compagnie des Transports de Budapest (BKV), le Premier Ministre a signé une loi obligeant les représentants du secteur public à publier le montant total des salaires de leurs dirigeants avant le 15 septembre. Le lendemain matin, on a ainsi apprit que le premier sur la liste des trente dirigeants hongrois les mieux payés était Gusztáv Klados (8 190 000 HUF/mois), l’actuel chef de projet du métro 4 dont la construction est retardée à cause de problèmes financiers. De même, cinq cadres dirigeants de la Compagnie Ferroviaire Nationale (MÁV), également au bord de la faillite, figurent sur la liste. Le directeur de la Banque Nationale Hongroise (MNB), András Simor, arrive seulement en deuxième position avec 8 011 800 HUF/mois, suivi de onze de ses collègues.

Par ailleurs, le montant des salaires moyens des cadres du secteur public ne dépasse pas la rémunération de leurs homologues du secteur privé et il est même considéré comme inférieur à ceux de l’étranger. Selon une étude publiée dans HVG, le salaire moyen des cadres dans le secteur public hongrois (100 611 euro/an) n’est que le onzième en Europe derrière la République Tchèque (117 736 euro/an). La France occupe le troisième rang dans la comparaison européenne (281 907 euro/an) derrière la Grande-Bretagne (319 943 euro/an) et l’Allemagne (333 590 euro/an). Le raisonnement selon lequel il est nécessaire d’offrir un salaire compétitif aux dirigeants de la fonction publique pourrait être vrai. En revanche, pour un tel salaire, il faudrait exiger des experts qu’ils soient compétents selon ces mêmes critères du marché du travail international, ce qui n’est pas toujours le cas. Le Premier Ministre a souligné, lors d’une conférence de presse le 16 septembre, que «les biens publics doivent être traités avec le même savoir-faire que les biens privés» et, par conséquent, que «le salaire des cadres doit être basé sur leurs performances comme c’est aussi le cas ailleurs». M. Bajnai a confirmé sa volonté de rendre la direction de l'Etat plus transparente afin de créer un nouveau système plus compétitif – un engagement déjà pris par Gábor Szetey il y a 3 ans, sans succès. Szetey avait notamment voulu mettre fin «au système féodal» de la distribution des postes, en créant un site Internet pour publier «ouvertement» des offres d’emploi dans la fonction publique. Szetey, frappé de désillusions après la première année du Système de l’Evaluation des Compétences (TÉR), a déclaré dans un entretien, publié il y a presque deux ans, que «le problème réside dans la mentalité des gens».

Tandis que le prix des cartes de transport à Budapest représente jusqu’à 12% du salaire minimum des hongrois et que les directeurs d'hôpitaux envisagent une grève de la faim à cause du manque de financement de leurs établissements, les partis politiques représentés au Parlement s’engagent dans une nouvelle bataille. Péter Szijjártó (FIDESZ) accuse le gouvernement Bajnai de cacher les vrais chiffres en dissimulant les avantages et les primes des cadres et de «prétendre vouloir changer la situation maintenant qu’ils se sont fait pincés». Pour une fois, les deux grands partis sont d’accord sur la nécessité d’un système plus compétent et transparent. Ils envisagent une loi qui définirait à partir du 1er janvier le plafonnement des salaires des cadres dans le secteur public à 25% du salaire actuel d’András Simor, le président de la MNB. Alors qu’ils réfléchissent à la meilleure manière d’entreprendre ce projet titanesque, les citoyens continuent à offrir des sacrifices au Moloch de l'Etat hongrois qui demande toujours plus de ces sujets.

Kinga Neder

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