Entretien avec une pionnière

Entretien avec une pionnière

Ce qui caractérise Viviane Bauters, c’est la volonté de relever des défis et de conquérir de nouveaux espaces, que ce soit en voyageant dans le monde entier ou en trouvant de nouvelles idées dans un cadre professionnel. Actuellement en tant que directrice du marketing pour une grande chaîne de supermarchés, mais surtout comme experte en développement immobilier, elle a vu, en 12 ans, bien évoluer la Hongrie.

JFB : Vous avez tout d’abord fait des études d’ingénieur agronome, puis vous êtes partie au Niger pour le compte de la FAO...

Viviane Bauters : Je suis partie dans un premier temps au Niger pour travailler sur un projet d’irrigation et de culture du Sorgho et du Mil. Le but était de créer un système de cultures et de production pour assurer la subsistance de populations nomades devenues sédentaires. Du fait de la sécheresse des sols et du manque de moyens, nous avons aussi dû mettre sur pied tout un système d’irrigation pour la culture maraîchère et des fours à pain. Ensuite, j’ai été envoyée en Tanzanie dans la brousse. En tout, trois ans sans eau, ni électricité. L'Afrique m'a beaucoup appris en termes de patience, d'ouverture aux autres cultures et religions et professionnellement en termes de management. J'ai appris que pour gérer des équipes, il faut avoir des valeurs morales. Pour faire adhérer l'autre, il faut convaincre en transmettant ces valeurs, ce n'est pas en utilisant la force et en imposant qu'on y arrive...

JFB : Puis, vous êtes rentrée en Belgique ou avez fait de nouvelles études...

V.B. : Oui, en Management et business ingeneering et puis, après une candidature spontanée, je suis rentrée dans la distribution alimentaire où j’ai poursuivi ma carrière en faisant du développement puis du marketing. J'ai travaillé simultanément en Belgique, au Luxembourg, en Hongrie et en Roumanie en faisant des missions dans les autres pays de l'Est avant de venir m'installer durablement en Hongrie.

JFB : Vous collectionnez aussi les objets et les oeuvres d’art, quelles furent vos découvertes en Hongrie ?

V.B. : Avant de venir en Hongrie, je ne connaissais pas bien les styles Sécession et Biedermeier et presque pas les artistes hongrois. J’ai découvert la rue des Antiquaires (Falk Miksa utca), j’ai commencé à chiner et à rencontrer des professionnels qui m’ont aidée à acquérir de beaux objets. J’aime surtout les meubles, mais j'ai un "kaléidoscope" d'objets, allant des porcelaines Zsolnay et Herend à l'argenterie... Et j'adore mélanger tous ces objets roumains et hongrois à mes objets très personnels africains ou du Moyen-Orient. En ce qui concerne la peinture, j’ai découvert des artistes comme László Fehér, László Mulasics ou Pál Bereznay dont les oeuvres ont su me toucher et me donnent de l’énergie au quotidien. Ces oeuvres ne sont jamais figées. Elles vivent avec moi.

JFB : Est-il aisé de rendre compatible votre carrière, votre soif de découverte des pays lointains et votre vie personnelle ?

V.B. : J'ai une fille de 16 ans avec qui j'adore voyager. Nous parcourons l'Afrique et le Moyen Orient quand nous le pouvons. Nous partons camper en brousse africaine ou nous choisissons un boutique hôtel design. Elle est passionnée par la cuisine et nous adorons la gastronomie et explorer de nouveaux goûts issus d'autres cultures. Je n'ai jamais eu de problème à être une femme dans un univers de travail très masculin. Au contraire, j'ai toujours été le visage d'une entreprise et j'ai toujours été apprécie dans ce monde trépidant qu’est celui des affaires de haut niveau.

JFB : Vous vivez en Hongrie depuis de nombreuses années, quelle est votre analyse ?

V.B. : Depuis 1998, les choses ont beaucoup évoluées, c’est certain, et j’ai rencontré des gens fantastiques dans ce pays. Néanmoins, certains problèmes de mentalité sont chroniques comme leur relation par rapport à l’étranger ou par rapport à l’autorité. De plus, les Hongrois sont très fiers et donc assez susceptibles, il est difficile de les amener à se remettre en cause. J'ai pu être un vecteur de changement en termes d’organisation, dans toutes les missions que j'ai eues jusqu'à présent, ce qui est une réussite si l’on tient compte de la lourdeur de l'histoire hongroise. De fait, il est plus difficile de conduire des changements en Hongrie qu'en Roumanie et même, qu'en Afrique. J'admire les Hongrois pour leur créativité, ils savent se débrouiller pour trouver des solutions. Donc même avec un PIB a -7% et un chômage qui risque de grimper à 11% ils sont tout de même optimistes... Et cherchent toujours à s’en sortir.

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