L’avenir de Mol et Malév

L’avenir de Mol et Malév

Le gouvernement négocie actuellement avec les dirigeants russes pour parvenir à un accord sur les questions de coopération bilatérale. La capitalisation de deux fleurons de l’économie hongroise, la compagnie aérienne Malév et la pétrogazière Mol, occupe une place toute particulière dans ces pourparlers, étant donné la question de l’approvisionnement de la Hongrie en gaz et les tirades de la majorité sur le retour de la nation.

Fin février 2010, la dette de la compagnie aérienne Malév s’élevait à 259 millions d’euros et avait enregistré une perte de 55 millions d’euros en 2008. En raison de cet état financier critique et des mesures que souhaitait prendre la société gérante de l’aéroport de Budapest, la compagnie était au bord de la faillite. C’est en faisant ce constat que le gouvernement d’alors a décidé de renationaliser la compagnie aérienne qui avait été vendue en 2007 à la société AirBridge, détenue par le milliardaire russe Boris Abramovich, pour seulement 730.000 euros. Mais après la faillite de l’homme d’affaires, c’est la banque russe Vnesheconombank qui s’est vu posséder l’essentiel du capital de la compagnie. Aujourd’hui, l’Etat hongrois détient 95% du capital de Malév. Pour ce faire, la Hongrie a procédé à l’augmentation du capital social de l’entreprise à hauteur de 93 millions d’euros en convertissant en actions la dette de la compagnie. Cependant, comme à l'accoutumée, le plan de restructuration visant le retour à l’équilibre financier d’ici 2012 a déjà débuté de manière drastique. Au moment de la renationalisation, Péter Oszkó, ministre des Finances du précédent gouvernement, avait signifié que celle-ci ne serait que temporaire et que, à terme, la banque russe, dont l’Etat russe est actionnaire minoritaire, reprendrait les commandes.

A l’occasion des négociations avec la Russie du paquet concernant les questions de coopération bilatérale, Tamás Fellegi, ministre du développement national, a annoncé que des pourparlers étaient en cours avec un investisseur stratégique ayant les moyens d’assurer le développement à long terme de la compagnie nationale. La semaine dernière, lors de sa visite en Chine, Viktor Orbán a en effet rencontré M. Feng, patron du groupe Hainan, dont l’homme d’affaires hongrois György Soros est actionnaire à 18,6%. Par ailleurs, le gouvernement est également en pleine négociation avec des investisseurs turcs. La question de la participation hongroise au stockage du gaz russe est également présente dans les discussions sur l’avenir de Malév. C’est pour cette raison que la Russie entend bien soutenir les investisseurs russes qui se montreraient friands de la compagnie hongroise en difficulté. Dans quelques jours, la rencontre entre Vladimir Poutine et Viktor Orbán permettra d’y voir plus clair. Plus largement, la question de l’approvisionnement de l’Europe de l’Est en gaz y sera sans doute abordée. La Hongrie dépend à 80% du gaz russe. Face à cette situation de grande dépendance, elle a tout intérêt à soutenir le projet Nabucco qui consiste en un gazoduc reliant l’Iran à l’Europe par la Transcaucasie. De cette manière, la Hongrie pourrait diversifier ses sources énergétiques. Cette éventualité agace bien évidemment Moscou et les partisans du projet South Stream, un gazoduc qui devrait être construit par le consortium de Gazprom (Russie) et ENI (Italie) en 2015. L’avenir de Malév est donc étroitement lié à la question de la dépendance énergétique hongroise. Si M. Orbán veut réaliser son rêve de voir Malév rester dans le giron de la nation hongroise, il devra accepter la dépendance de son pays au gaz russe. Cette situation évoque bien le triste destin de la Hongrie, celui de son éternelle dépendance à des puissances extérieures, aussi bien économiques que politiques.

Tamás Fellegi a également déclaré lors des négociations avec la Russie qu’il niait que le gouvernement hongrois était en pourparlers avec des investisseurs russes concernant l’achat de participation dans la pétrogazière Mol. Il a fait savoir que la position du gouvernement n’avait pas changé: il ne veut pas voir de gros intérêts dans une société hongroise d’une importance stratégique dans des mains étrangères. Il a ajouté qu’il serait avantageux pour Mol si l’Etat pouvait augmenter sa participation dans la société. Ce financement proviendrait du marché mais aurait pour but de rendre ce dernier plus prévisible, selon le gouvernement. Il est vrai que ces dernières années, les intérêts russes ont considérablement pris de l’importance dans le capital social de Mol, ce qui est contradictoire puisque Mol est partisane du projet Nabucco et actionnaire de Nabucco Gas Pipeline International GmbH, société dirigeant le projet alternatif à l’approvisionnement quasi-exclusif de la Hongrie en gaz russe. Le gouvernement est donc tiraillé entre le désir de défendre les sociétés hongroises en proie à des assauts venus de l’étranger et celui de se devenir plus indépendant d’un point de vue énergétique.

Yann Caspar 

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