Budapest : Mozart et Beethoven réunis le temps d´une soirée…

Budapest : Mozart et Beethoven réunis le temps d´une soirée…

Concert à l´Académie de Musique

On a beaucoup brodé sur une rencontre entre Beethoven et Mozart, au cours de laquelle le maître de Salzbourg aurait déclaré „Retenez ce nom, on reparlera de lui”. Si la rencontre eut bien lieu, on a tout lieu de douter de cette prétendue prophétie. C´était au cours de l´été 1787, Beethoven n´avait alors que 16 ans. Rencontre qui demeura sans suite. Ce qui est par contre certain est que Beethoven admirait Mozart, même s´il dut garder une petite rancœur de cette entrevue infructueuse. Mozart, sur un thème duquel il composa des variations et pour les concertos duquel il écrivit des cadences. Dont le 20ème concerto en ré mineur qui figurait au programme du concert donné ce soir. Autres œuvres inscrites au programme : l´ouverture de Don Juan et le 4ème concerto de Beethoven.

De l´ouverture de Don Juan, on sait que Mozart la composa dans la nuit, l´avant-veille de sa création. Pour le coup, ce n´est pas une légende (1). Une ouverture qui figure en soi parmi ses chefs d´œuvre. Donc souvent donnée en concert, et c´est toujours un plaisir que de la réentendre (2). Ouverture en ré mineur, comme le concerto qui suivait au programme. Un concerto qui débute dans un climat sombre, voire menaçant, tout comme l´ouverture. Donc une suite logique entre les deux œuvres. Suivait, après la pause, le Quatrième concerto de Beethoven. Bien qu´écrit dans une tonalité plus sereine, le sol majeur, il est probablement, des cinq concertos, celui qui sied le mieux aux œuvres précédentes par son climat.

En soliste, le pianiste hongrois Endre Hegedűs accompagné par l’orchestre de la Société philharmonique de Budapest sous la direction de Daniel Erdélyi. Paraît-il titulaire de nombreux prix et fort d´une abondante discographie, Endre Hegedűs (65 ans) a notamment travaillé le piano avec Zoltán Kocsis, András Schiff et Tamás Vásáry. Quant à la formation qui l´accompagnait, l´Orchestre de la Société Philharmonique de Budapest, ce que nous en savons est que, fondé en 1853, il eut, parmi ses chefs, rien moins que Ferenc Erkel, Hans Richter, Otto Klemperer, Ernest von Dohnányi et János Ferencsik. De plus, s´étant vu confier, entre autres créations, celles du 2ème concerto de Brahms et de la 1ère symphonie de Mahler. Un passé prestigieux, donc. Certes, mais… qu´en est-il aujourd´hui ? Nous étions curieux de l´entendre et de pouvoir juger par nous-mêmes…

Alors ? Force est d´avouer que nous avons été d´emblée séduits. Sonorité somptueuse et jeu d´une grande clarté, chaque pupitre étant distinctement audible sans compromettre pour autant l´unité de l´ensemble, notamment chez les bois. Cuivres sonnant avec brio, mais sans agressivité. Sans parler des cordes au jeu lyrique et aux sonorités chaudes, notamment chez les altos. Le tout dirigé avec dynamisme par un jeune chef aux gestes élégants et précis. Qualités qui sont probablement à imputer en partie au fait que nous avions affaire ce soir à une formation en nombre relativement limité, à mi-chemin entre l´orchestre de chambre et la grande formation symphonique. Un ensemble tout particulièrement apprécié dans les deux œuvres de Mozart données ce soir.

Des louanges que nous ne saurions malheureusement appliquer au jeu du pianiste. Notamment par cette résonance désagréable du piano qui n´est pas à mettre au seul compte de l´acoustique. Ce qui donnait par moments des suites de gammes aux notes coulées, presque indistinctes, et un jeu dépourvu de nuances. Tout le contraire de ce que l´on attend de Mozart. Seul moment béni : ce merveilleux andante du Quatrième concerto de Beethoven, pour le coup bien rendu. Un contraste avec le jeu de l´orchestre qui nous a particulièrement gênés dans le concerto de Mozart (moins chez Beethoven). Et ce ne fut guère mieux avec les bis, notamment un Chopin dépourvu de charme, traité davantage en piano-percussion qu´en piano romantique. Du moins était-ce notre impression… Car il est vrai qu´en musique. Comme partout ailleurs, les goûts varient, certains (applaudissements et bis) semblant plutôt apprécier ce côté spectaculaire...

Mais ne regrettons rien. Car cette soirée nous aura procuré l´occasion de découvrir une formation de haut niveau. Une de plus sur cette place de Budapest dont on ne compte plus les ensembles de qualité. 

Pierre Waline

(1): pour la petite histoire: Mozart avait demandé à Constance de lui préparer des punchs et de rester à ses côtés pour le maintenir éveillé toute la nuit. C´est ainsi que naquit l´ouverture de Don Juan dont la partition, à peine séchée, fut remise comme promis aux copistes dans les premières heures de la matinée.

(2): Don Juan dont Beethoven, très à cheval sur la morale, déplorait le côté „dissolu”. (Mais alors, qu´aurait-il pu dire de Cosí ?)”.

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